Les monastères trappistes, lieux de paix souvent nichés au cœur de la nature, parsèment le paysage français. Ces communautés, appartenant à l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance (OCSO), sont les gardiennes d’un riche héritage spirituel. Moines et moniales y consacrent leur vie à la recherche de Dieu, dans une atmosphère de silence, de simplicité et de prière. Cet article vous invite à découvrir l’histoire fascinante de ces monastères, depuis leurs origines médiévales jusqu’à leur présence actuelle, en explorant les valeurs qui les animent et les défis qu’ils rencontrent.
Qu’est-ce qu’un monastère trappiste ?
Un monastère trappiste est une communauté de moines ou de moniales qui suivent la Règle de saint Benoît, un ensemble de préceptes rédigés au VIe siècle pour organiser la vie monastique. Les trappistes appartiennent à l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance (OCSO), une branche réformée de l’ordre cistercien, née au XVIIe siècle à l’abbaye de La Trappe en Normandie. Ils se distinguent par une vie contemplative, centrée sur la prière, le travail manuel et le silence.
Les racines cisterciennes
L’histoire des trappistes est profondément ancrée dans celle de l’ordre cistercien, fondé en 1098 à Cîteaux, en Bourgogne. Saint Robert de Molesme et ses compagnons, désireux de revenir à une observance plus stricte de la Règle de saint Benoît, créèrent un “Nouveau Monastère” où la pauvreté, la simplicité et la solitude seraient les piliers de la vie monastique. L’arrivée de Bernard de Clairvaux en 1112 donna un élan considérable à l’ordre, qui se répandit rapidement dans toute l’Europe.
La réforme de La Trappe
Au XVIIe siècle, l’abbaye de La Trappe, comme beaucoup d’autres monastères, avait connu un certain relâchement de sa discipline. Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé, abbé de La Trappe, entreprit une réforme profonde à partir de 1664. Marqué par une conversion radicale, il souhaitait revenir à l’austérité des premiers cisterciens. Sa réforme, influencée par l’idéal des Pères du Désert, insistait sur le silence, la pénitence, le travail manuel et une ascèse rigoureuse, comme le souligne l’Encyclopædia Universalis. C’est de cette réforme que naquit l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance, dont les membres furent appelés “trappistes”.
De la Révolution à nos jours
La Révolution française marqua une rupture brutale. En 1791, les moines de La Trappe, menés par Dom Augustin de Lestrange, furent contraints à l’exil. Ils trouvèrent refuge en Suisse, puis en Russie, avant de pouvoir revenir en France en 1815, après la chute de Napoléon. Dom de Lestrange racheta alors l’abbaye de La Trappe, permettant la renaissance de la vie trappiste en France. De nombreux autres monastères furent restaurés ou fondés au cours du XIXe siècle, contribuant à la diffusion du nom “trappistes”.
L’Abbaye de Bricquebec, un exemple de renaissance
Fondée en 1824 par Dom Augustin Onfroy, l’Abbaye Notre-Dame-de-Grâce de Bricquebec dans la Manche, illustre la vitalité de l’esprit trappiste au XIXe siècle. Les moines transformèrent un terrain marécageux en terres cultivables, assurant ainsi leur subsistance. L’abbaye devint également un centre spirituel important, notamment sous l’abbatiat de Dom Vital Lehodey (1857-1948). Son œuvre majeure, “Le Saint Abandon”, eut un rayonnement considérable, bien au-delà des cercles cisterciens, et influença profondément la spiritualité de l’époque.
Le cœur de la vie trappiste
La vie trappiste est rythmée par la prière, le travail et le silence. La journée d’un moine ou d’une moniale commence tôt, avec l’office de Vigiles, suivi de la Lectio Divina (lecture méditative de la Bible) et de l’Eucharistie. Plusieurs offices ponctuent la journée, jusqu’à Complies, le dernier office avant le repos nocturne. Le travail manuel, qu’il s’agisse d’agriculture, d’artisanat ou d’autres activités, est considéré comme une participation à l’œuvre créatrice de Dieu et un moyen de subvenir aux besoins de la communauté. Il n’est pas dissocié de la prière, mais plutôt vécu comme un prolongement de celle-ci, une union du corps et de l’esprit dans une même offrande à Dieu.
Le silence, chemin vers Dieu
Le silence est une composante essentielle de la vie trappiste. Il ne s’agit pas d’un vœu formel, mais d’une discipline rigoureuse visant à favoriser le recueillement intérieur et l’écoute de Dieu. Comme l’explique l’OCSO, le silence permet de se libérer du superflu et de se concentrer sur l’essentiel : la présence de Dieu. Il crée un espace propice à la prière et à la contemplation.
Les moniales trappistines, une présence discrète
L’Ordre Cistercien de la Stricte Observance compte également des moniales, appelées trappistines. Elles suivent la même Règle de saint Benoît et les mêmes principes de vie que les moines, adaptés à leur vocation contemplative. Leurs monastères, tels que l’Abbaye de la Grâce-Dieu ou l’Abbaye de Belval, sont des lieux de prière intense et de silence, contribuant de manière significative à l’héritage spirituel trappiste. Leur vie, bien que moins visible, est un témoignage puissant de foi et de consécration à Dieu.
Défis et renouveau
Les monastères trappistes, comme de nombreuses communautés religieuses, sont confrontés à des défis importants, notamment la diminution des vocations et le vieillissement de leurs membres. Le départ des moines de l’abbaye d’Oelenberg en Alsace, après près de mille ans de présence monastique, en est une illustration poignante. Cependant, cet événement a aussi suscité une réflexion profonde sur l’avenir du site. Le diocèse de Strasbourg et l’Ordre cistercien collaborent activement pour trouver une nouvelle forme de présence chrétienne à Oelenberg, qui pourrait inclure une communauté laïque ou une autre forme de vie consacrée, préservant ainsi l’héritage spirituel du lieu.
L’adaptation
Face à ces défis, de nombreux monastères trappistes font preuve d’une grande capacité d’adaptation. Certains, comme l’Abbaye de Tamié en Savoie, développent de nouvelles activités économiques, comme la production de fromage, pour assurer leur subsistance. D’autres, à l’image de l’Abbaye du Mont des Cats, perpétuent des traditions ancestrales, comme la fabrication de fromage, tout en innovant, comme avec la création d’une bière trappiste en 2011. L’OCSO répertorie d’ailleurs les monastères français toujours en activité. L’accueil d’hôtes pour des retraites spirituelles est également une pratique courante, permettant aux monastères de partager leur spiritualité et de s’ouvrir au monde.
Un héritage pour notre temps
L’histoire des monastères trappistes en France est un récit de foi, de résilience et d’adaptation. De la réforme initiée à La Trappe au XVIIe siècle aux défis du monde contemporain, ces communautés ont su préserver un héritage spirituel précieux. Leur vie, centrée sur la recherche de Dieu dans le silence, la prière et le travail, offre un contrepoint à l’agitation du monde moderne. Les monastères trappistes demeurent des havres de paix, des lieux de ressourcement spirituel pour ceux qui cherchent un sens à leur vie et une expérience de transcendance. L’avenir de cet héritage dépendra de la capacité des trappistes à continuer d’incarner leurs valeurs fondamentales tout en s’adaptant aux réalités changeantes de notre époque.